vendredi 31 août 2012


Fin août-début septembre. Quelque chose s'achève toujours un peu à cette période-là, alors que l'événement à venir n'ose pas encore s'annoncer. Je clos donc ce mois "doute" par un passage de relais. J'en dérobe l'idée en découvrant dans un documentaire (La mort s'expose sur Arte) cet objet de main mortuaire, conçu par l'artiste allemande Barbara Schimmel. Apprenant que certaines pompes funèbres proposent avant l’inhumation de petits objets pour occuper les mains attristées des proches du défunt, elle donne forme à la trace de l’abattement, de l'affliction ressentis. 
Ce soir, juste avant minuit, j'observerai ce nouveau rituel. Avec ce que j'ai sous la main. Un mélange de farine, de beurre et d'eau ; une boule de mozzarella ou une pêche plate. Sentir au contact de ma chair le trépas d'août pour accueillir la vie de septembre.

mardi 28 août 2012

Persistance rétinienne basque : 
Un homme passe, un surf sous le bras. Sur son torse, une combi néoprène à demi démoulée. Elle le fait ressembler à une Vénus de Milo free spirit. Il hèle un taxi boulevard Exelmans, Paris. 

Un board dépasse d'une boucherie rue Saint Maur, Paris. À coup sur, à l'intérieur, son possesseur "waxe" un jambon de Bayonne.

Un homme est assis sur sa planche à l'entré du parc Monceau, Paris. Tête baissée, on ne voit que sa chevelure au blond iodé, mais elle a perdu ce reflet particulier entre ciel et mer. Ses pieds nus ont souffert. Son long short aux couleurs autrefois violemment appliquées n'est plus qu'un vaste volume imprécis.

Un surfer, qu'on reconnait à sa leash qui traîne sur le sol, aborde les passants de la rue Cadet, Paris. Il dit connaître l'adresse biarrote de Philippe Djian. Il dit qu'il peut citer jusqu'à cinquante tapas différents, d'une traite et sans répéter deux fois le même ingrédient. 

mercredi 22 août 2012

Prouesse : 
Un garçon de café parisien tient son plateau d'une main ; de l'autre un ouvre-bouteille et un soda, qu'il bascule d'un geste fluide par dessus son épaule en se servant de son corps comme d'une prise, d'un arrêt, pour faire céder la capsule. Le tout prend une seconde, le plateau est toujours aussi vaillant, la boisson libre, rejoignant déjà le verre. Et j'imagine que sous la chemise blanche du serveur, une petite cale de peau s'est formée dans le but unique de désaltérer le client. Magie du service. 
Tristesse : 
Le Monoprix de la rue du faubourg du Temple annonce par affichage sur ses vitrines que la vente de viennoiseries le dimanche matin à l'extérieur du magasin lorsque celui est fermé cessera à partir du 6 août. C'est un coup dur pour les amateurs de croissants. La petite cahute odorante et ses lots de 20 pains au chocolat m'avait toujours fascinée. Que la denrée boulangère la plus répandue qui soit, présente à chaque coin de rue, bénéficie d'un espace marchand en plus me paraissait stupéfiant. Qui pouvait bien en manger autant ? Les lots étaient-ils congelés pour satisfaire les petits-déjeuners de la semaine ? Je me figurais une vie parallèle rythmée par une gestion scrupuleuse de miettes et de beurre. 

lundi 20 août 2012


rue des francs-bourgeois

 rue de la corderie


rue barbette

D'autres inscriptions à la mémoire du réalisateur Chris Marker, né et mort un 29 juillet, sont-elles visibles dans le Marais ou ailleurs ? Voici mes trois découvertes depuis début août, et je poursuivrai ma quête, avant que son nom ne s'institutionnalise, ne devienne celui d'une rue dans une ville encore inconnue, où il sera écrit : Avenue Chris Marker, de son vrai nom Christian François Bouche-Villeneuve, Neuilly-sur Seine 1921- Paris 2012, ailurophile, cinéaste, auteur du photo-roman "La Jetée" (1962, 26 mn). 
Mais pour le moment, il s'agit seulement de signes sur un mur. 
Le premier message repéré est au marqueur, prédestiné, les autres à la bombe, avec des variantes sur les dates et sur le rest in peace. Je passe sur ces libertés avec le protocole du tag, l'important pour moi est de voir ce nom intégrer l'espace public, investir la rue ; ce Paris à ciel ouvert, démocratique et manifestant, que l'homme curieux a sillonné pour y trouver le sourire du chat jaune et politiquement actif peint sur les toits de la ville ("Chats Perchés", documentaire, 2004, 59 mn). Si l'auteur de ces messages était un chat reconnaissant ayant trempé sa queue dans l'encre du vrai souvenir, alors tout irait pour le mieux. 

samedi 18 août 2012


Brèves armoricaines :
Le radôme et le radon ne se quitteront jamais.
L’artichaut capitule.
Le bouquet (grosse crevette) est trahi dans la nuit par son écartement oculaire.
Le voleur de Tréguier remplace l’objet de son larcin (une statuette) par un leurre en éponge de mer sculptée.
L’éclusier a le plus beau des métiers : il écluse même quand il n'écluse pas. 


vendredi 10 août 2012

Par hasard, je tombe nez à nez avec le logiciel de caisse de ma supérette de quartier. On fait les rencontres qu'on peut en plein mois d'août parisien, quand le réfrigérateur est vide, les commerçants rares et la valise bientôt pleine. Chaque type de produits est représenté par une icône : pour illustrer le rayon "Entretien",  c'est un pied au profil épais et coupé à la cheville qui vient occuper l'écran. Je ne sais pas si ces motifs sont imposés par les fabricants, mais selon toute logique, ce qui recouvre la notion de nettoyage nécessiterait plutôt le recours à une main. Mais la main pourrait bien être la grande gagnante de tous les linéaires. Ce qui dit la saleté, le décrassage, la nécessité d'un irréprochable suivi, c'est bien le pied. Le pied qui repose sur des surfaces qui le trahiront si elles ne sont pas immaculées. Le pied noirci. Le pied un peu dégoutant. Le pied à récurer. C'est en tout cas ainsi que je revois mon jugement et même si, dans ce cas, le pied est propre, il contient la possibilité d'un futur crasseux et de précautions à prendre (vraiment ? Ce pied est un peu tiré par les cheveux...). 
Cette façon de gratifier le réel d'un visuel révélateur, hors du petit commerce s'entend, me suit en sortant du magasinLe mois d'août, par exemple, cet espace-temps si particulier pour ceux qui restent en ville, mériterait bien aussi son icône. La tête d'un chat triste ? Celle d'un clown ? D'une plante carnivore ? D'une maladie orpheline ? Je ne sais pas. Appelons-le simplement "le mois doute". 

lundi 6 août 2012


Je ne me souviens pas avoir vu, enfant, dans les rayons Jeux de société ce plateau et ce petit instrument triangulaire évidé appelé "pointeur", ici posé sur le G. Je n'y ai jamais joué, n'en connaissais même pas le nom jusqu'à ce 6 août : "Ouija". Outre-atlantique, il s'apparente à un divertissement spirite allégé. Une grande marque américaine de jouets le propose même en version phosphorescente, pour appeler les esprits dans la pénombre fun, et se faire plus drôlement peur encore. Est-il trop occulte pour les enfants de la vieille Europe ? Question subsidiaire qui pourrait, peut-être, figurer sur l'une des cartes pourvoyeuses d'interrogations contenues dans le boîtier. 
Ne jamais avoir éprouvé cet alphabet me semble aujourd'hui la chose la plus étrange qui soit. Des lettres, des chiffres, trois mots-clés, ou le monde posé sur un plateau. 
Épellation folle, accouchement syllabique, telle est la dictée possédée du Ouija. Écriture automatique, apparition de phrases sans queue ni tête, mots inconnus, banalités souveraines, insultes, menaces, secrets, mensonges, bêtises, déclarations. Le participant voyeur observe, par le trou de la serrure du pointeur, le monde prendre forme par le mot. 
Je veux garder intactes cette découverte, cette émotion, et ne pas trop regarder l'objet, qui, déjà, ressemble à une carte bancaire gold si je plisse un peu les yeux. 

jeudi 2 août 2012

Cette phrase, ou le cri d'un homme qui vient d'apprendre que le pôle frais de l'entreprise de volaille dans laquelle il travaillait vient d'être liquidé et qui, conséquemment, perd son boulot et voit sa vie bouleversée : 
"Moi, vous voyez, j'ai fait onze ans et demi d'accrochage de dindes vivantes."