dimanche 7 avril 2013

Chambre 20 


Ils sont arrivés en fin de journée après un vol dont elle oublierait un jour l'avoir effectué. Le chignon de l'hôtesse. La couleur du vernis de l'hôtesse. Le plat au couvercle argenté. Le va-et-vient dans les allées d'inconnus en chaussettes. Les écouteurs dans leur sachet plastique. Il dit, en garant la voiture de location couleur corail devant l'hôtel : "J'ai les cervicales en miettes". Elle passa une main dans sa nuque et pensa pour la première fois qu'ils formaient un couple. Dans l'habitacle, la radio diffusait de la variété locale, et à la fin d'une chanson, une voix d'homme leur confirma qu'ils ne comprenaient pas la langue, ni l'un, ni l'autre. Seul le prénom Zlatan se détachait, dit plusieurs fois, comme un mantra. La chambre donnait bien sur la mer, mais la couleur de l'eau était... peut-être un peu décevante. Ou était-ce la lumière. Elle ouvrit la porte-fenêtre donnant sur le petit balcon qui accueillait un bac à plantes, jaune pâle, dans lequel une chose minuscule semblait pousser de toutes ses forces. Elle eut une envie terrible de fumer, après avoir aperçu en contrebas la piscine, songeuse devant la taille du bassin. Elle vit un seul parasol bleu rayé de blanc, fermé, au pied désolidarisé, comme un mikado. Elle n'avait jamais fumé devant lui. Il dit : "J'ai oublié mon téléphone dans la voiture, je reviens." Il quitta la chambre, gardant en tête l'image du poste de télévision qui trônait devant le lit, un peu indifférent pour tout dire à la sea view. Ils n'avaient jamais regardé la télé ensemble. Il rêvait de s'affaler devant n'importe quoi, avec elle. Pour voir ce que ça faisait. Une merde. Une série. Un reportage. Le tour de France, pourquoi pas, il devait bien y avoir une chaîne de sport, c'était une étape de montagne en ce moment, il avait lu ça dans le quotidien offert à bord. Elle en profita pour aller chercher une cigarette dans la poche intérieure de son sac, ce double fond coupable, et chacun de ses gestes avait un poids, une densité. Elle retourna sur le balcon. Rien pour allumer. Elle porta la cigarette à ses lèvres, têtue, avant d'accepter son infortune et d'enfouir le bâton de tabac dans le bac à plantes. Comme on met de la cendre au pied des bégonias. La terre était si sèche qu'elle dut s'y prendre à plusieurs fois. Elle décida de rentrer, de se laver les mains, d'enlever tous ses vêtements. Elle ne portait pas de chaussettes, mais mentalement, les ôta aussi. 

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