mercredi 10 octobre 2012

Bonjour. Voici une petite annonce parue sur le site Craigslist en septembre (et depuis lors retirée), liée à une actualité qui nous mène jusqu'au 27 octobre (je tiens quand même à ne pas faire que du réchauffé). J'ai découvert ici son existence, et sa raison d'être : 

"Gallery Seeks Man to Ejaculate Tonight (Chelsea)
Chelsea gallery needs a man to come in tonight after hours and ejaculate onto our wall. You will be completely alone in the room and we are happy to provide you with "encouragement". Should be comfortable being photographed from behind while masturbating but your face will absolutely not be included in the picture, just your back. Again, the camera will be triggered by remote so you will be completely private.
Your semen will be included in our forthcoming exhibition (the photo will only serve as documentation)."

"Galerie d’art recherche homme pour éjaculer ce soir (Chelsea)
Une galerie à Chelsea a besoin d’un homme pour venir ce soir après l'heure de fermeture éjaculer contre un mur. Vous serez complètement seul dans la pièce, et nous mettrons à votre disposition du matériel stimulant. Il faudrait que vous vous sentiez à l’aise à l’idée d’être photographié pendant que vous vous masturbez ; votre visage ne sera absolument pas inclus dans l’image, la prise de vue se fera seulement de dos. L'appareil sera actionné à distance pour ne pas déranger votre intimité. Votre semence fera partie de l’exposition à venir (la photographie est un document d’archive uniquement)."

Je pourrais m'arrêter là, après cette traduction réalisée sans Google Translate. D'ailleurs, la voici :

"Galerie Cherche homme d'éjaculer Tonight (Chelsea)
Chelsea galerie a besoin d'un homme de venir ce soir après les heures et éjaculer sur notre mur. Vous serez complètement seul dans la chambre et nous sommes heureux de vous fournir une "incitation". Devrait être à l'aise d'être photographié par derrière tout en se masturbant, mais votre visage ne ​​seront absolument pas être inclus dans l'image, que votre dos. Encore une fois, la caméra sera déclenchée par télécommande vous serez donc totalement privé. Votre sperme sera inclus dans notre prochaine exposition (la photo ne servira que de la documentation). "

Mais c'eut été un peu court, jeune homme. J'ai le sentiment que cela demande un peu plus... 
Solliciter l'humain, devenu celui qui active l'œuvre : une donnée artistique qui, depuis que pose le modèle au moins, me va. Mais le solliciter pour une production de cette nature ? Eh bien, dès lors qu'elle neutralise comme ici toute la quincaillerie cul, pourquoi pas. La rudesse appliquée de l'énoncé, l'insistance sur l'anonymat et le respect d'une configuration privée sont comme de frais anachronismes. Somme toute, une affaire simplement menée. No sex. Il suffit d'avoir son fluide avec soi. 

Donc, l'exposition en question, intitulée Sperm, proposée dans la galerie new yorkaise Metro Pictures, est l'œuvre de l'artiste allemand Andreas Slominski. Sperm (il insiste sur le terme, qu'il préfère à semence) se déploie dans plusieurs salles. Certaines recèlent des éjaculats humains, d'autres animaux, directement sur les murs, également au sol. L'annonce a donc porté ses fruits. Des hommes se sont présentés, ont accepté la mission. Au sein de la galerie, quelqu'un a fait le suivi du projet, a dû trouver les mots pour demander à l'homme de respecter le marquage au sol décidé par l'artiste, a fourni le matériel stimulant... Pour ce qui est des animaux, un directeur de zoo, amateur d'art, a été très coopératif, faisant livrer divers échantillons, conservés dans le réfrigérateur de la galerie.

Je n'ai pas vu cette exposition, et ne devrais de ce fait pas en parler. Mais le sexe appelle le bavardage... et les vues accessibles en ligne deviennent des pièces à conviction d'un genre nouveau. Mais où est le sperme ? On ne peut pas s'en foutre, c'est plus fort que soi. Le monde est comme ça, la giclée est désormais une image d'Epinal. 
Et l'œil de distinguer tout au plus une trace sur un mur, hors du foin ou des tongs qui occupent le champ. Il y a un piège, forcément. Cette invisibilité, en rupture avec le geste qui a mené là, si investi, si copieux, ça ne se peut pas.

Le piège, justement, anime Andreas Slominski. Sa quête : saisir le point de contact, le moment où, l'instant précis, qu'il traque par des propositions bien différentes. En élaborant par exemple de vrais pièges (à singes, à chats noirs...) toujours plus compliqués, qu'il présente comme autant d'installations inoffensives car sans proie. En plaçant ailleurs un tapis bleu comme celui qui réceptionne les perchistes et sa barre intacte, fière et hautaine, mais sans athlète. Toujours l'obstacle, le franchissement... 
L'éjaculation = un autre point de non retour. Sans partenaire.
Le visiteur est peut-être le partenaire (comme il pourrait être la proie ou l'athlète), celui à qui le piège est destiné. Il veut sa dose, et Slominski lui donne. Elle vient à la lecture d'un titre accompagnant la vision d'un mur "doublement spermé" : Sperm of a Black Man and a White Man - Sperme d'un homme noir et d'un homme blanc. Pourquoi ? Que vaut cette distinction, vers quelle information conduit-elle malgré tout ? On tombe, comme un perchiste, de la haute idée qu'on avait de soi au contact de l'art. 
On se dit que d'autres annonces sur lesquelles la galerie n'a pas souhaité communiquer ont dû circuler... Celles qu'il aurait fallu regarder. Déception, patatras. Le piège se referme. J'ai mis la main où il ne fallait pas. Les trucs autour du sexe font dire n'importe quoi. 


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