La marche du monde n'est pas une danse lascive
Cette danse exige rapidité et dextérité : il faut qu'une des extrémités s'encastre du premier coup dans l'encoche du pilier, il faut négocier le geste, le poids, évaluer la longueur nécessaire à cette manipulation, anticiper la réception, tout en déposant au sol l'autre bout de la barre d'une main qui connaît parfaitement son affaire. La pièce en métal gagnera sa hauteur définitive quand, sur le chemin du retour, il faudra encore l'emboîter sur le pilier adjacent. La superficie à couvrir est vaste, la cadence soutenue, et bientôt viendra l'installation des bâches blanches. La vision de lits à baldaquin, d'alcôves en extérieur pour ébats inconnus, doit quitter mon esprit. Car hélas, il ne s'agit que de protéger les aliments des intempéries, de cette foutue flotte ininterrompue. Non, la marche du monde n'est décidément pas une danse lascive. Mais une fois loin de ce ballet, je veux continuer à penser que l'effort invisible et immuable fourni chaque jour par des corps au travail n'est pas vain s'il se destine aux plaisirs de la bouche.
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