dimanche 8 avril 2012


Sur le conseil indirect de Sasha (dont le prénom figure dans la liste de modèles précédemment publiée), je regarde un documentaire consacré à la typographie Helvetica. Sasha Grey, puisque c’est elle, n’est pas tout à fait cette célèbre inconnue bookée en agence de mannequins ou une beauté vraie croisée dans la rue. Steven Soderbergh en a même fait l’héroïne de Girlfriend Experience (2009). Elle y tient le rôle phare d’une escort girl qui cherche à faire grimper sa côte de popularité sur le net, à multiplier les occurrences de son nom et de son service pour apparaître placée au mieux dans les moteurs de recherche et ainsi tenir le marché (du moins, c’est de cette approche désincarnée dont je me souviens). Sasha Grey est une actrice, qui débuta par le porno, mais n’envisage pas de s’y laisser enfermer. Elle veut diversifier ses activités et champs d’action, elle est dj, a le projet de produire, fascine par sa plastique, ses pratiques, sa rhétorique…  Donc, elle s’enthousiasme dans un entretien donné à un magazine français pour Helvetica, qu’elle vient de visionner. Cela m’intrigue. Le documentaire donne la parole à une profession peu bavarde à l’ordinaire, dans un canevas assez classique. Experts, admirateurs et détracteurs de cette typographie suisse née en 1957 se succèdent. Les interviews alternent avec des plans de ville, enfonçant le clou suivant : la cité est truffée d’Helvetica. Rassurante, équilibrée, neutre, elle a cette qualité sédative, apaisante. Transports publics, plans, signalétique muséale ou administrative, indications diverses…. L’Helvetica est partout en ville. Et entre Helvetica et Sasha Grey, des ponts se créent. Fantasme de la visibilité en tête. Un détail les rapproche encore : le logo de l’enseigne californienne American Apparel, pour laquelle elle posa, est lui aussi en Helvetica, comme toute sa communication. La vieille carne typographique est plus que jamais en forme, juvénile presque. Devenue petite bombe sexy. Un plan du film s’attarde même sur une affiche de pub de la marque sur laquelle une jeune femme allongée tourne son visage vers l’objectif, mais une grande bulle de chewing-gum empêche de la voir complètement. Serait-ce Sasha ? Non, en fait, il s’agit de Vanessa. Ouf, Sasha, on pensait que le film aurait pu t’être recommandé parce que tu y figurais, mais ta curiosité semble plus maligne que ça, et tu citeras dans la foulée, la poésie de Nietzsche, The Peacock and the Buffalo, comme livre de chevet. Helvetica remplit sa mission documentaire : au-delà de l’esthétique, c’est le socio-politique qu’on interroge. Helvetica était-elle pour la guerre du Vietnam, est-elle capitaliste, faite sur-mesure pour satisfaire le marché, standardise-t-elle les esprits, éradique-t-elle les particularités ? Ou à l’inverse sa plastique si souple, si bien troussée permet-elle toutes les audaces créatives, encourage-t-elle la transgression ? Helvetica et Sasha Grey pourraient bien se ressembler alors, comme deux cousines éloignées. 

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