Il n’était pas friand des
séances de signature où se pressaient probablement des mères de famille intarissables
sur la puissance transgressive de ses livres pour enfants. Un public acquis qui
ne signifierait rien (ou si peu, une ruse du marché ?) et qui l’indifférait
surtout, car il était homosexuel.
Il se demandait encore par
quel miracle il n’avait jamais détruit personne, n’étant pas friand pour tout
dire du genre humain, surtout taille adulte. Mais il ne désespérait pas un jour
de tuer quelqu’un, si la vie lui en laissait le temps. Il disait cela avec une
classe singulière et une sérénité totale. En rien, il ne ressemblait à un vieux
con.
Il préférait de loin son
chien, héros posthume d’une de ses histoires, Higglety Pigglety Pop! or there must be more to life (1967), qui, dans
sa bibliothèque, avait la place du cœur.
Il n’aimait pas particulièrement la littérature
pour enfants, d’ailleurs il ne revendiquait pas ce territoire. Il ne savait pas
quel talent particulier il fallait pour se spécialiser dans le genre :
peut-être commencer par être idiot.
Il n’était pas une pute, disait-il à ceux qui
lui conseillaient de faire une suite à son album le plus connu Where
the wild things are (1963), Max et les Maximonstres en français. À ce propos,
personne ne sait vraiment qui est à l’origine de cette traduction
tellement frustrante et si appauvrissante ; le traducteur n’étant pas
mentionné lors de la première édition française, parue en 1967 chez Robert
Delpire*. Un Where the wild things are 2 ? Qu’ils aillent se
faire foutre !
Il avait eu cette belle phrase « A book
is a book is a book », à propos de l’E-book et de la fin annoncée de l'impression papier. Il n’était vraiment pas un vieux con.
Il avait illustré un livre
dont il n’était pas l’auteur (il s’agit de Janice May Udry) mais dont le titre
était tellement prometteur : Let’s be Enemies (1965).
Il avait une passion pour
William Blake, peintre, poète, illustrateur anglais. Il ne comprenait pas
toujours son propos mais il aimait son approche entière et enflammée. Il se
souhaitait la même mort « miam miam ». Sachant sa fin imminente,
William Blake s’était alors mis à chanter.
Enfin, le Romantisme allemand,
qu’il admirait tant, lui avait inspiré Outside over there (1981), son
livre fétiche, où des forces mystérieuses kidnappaient un bébé.
Il s’appelait Maurice Sendak**.
Image de In the Night Kitchen (1970).
Une phrase ultime, depuis "là-haut" ?
Image de Outside over there.
J'adore les pieds de la jeune fille,
sa manière de jouer du cor de chasse,
le portrait à droite dont j'aimerais qu'il soit celui de William Blake,
et les deux visages évidés.
* L’accueil de Where
the wild things are dans la France des années 60 est remarquablement
décrite ici
** Citations, vidéos et
interviews relatives à Maurice Sendak ici
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