Cannes oblige, parlons un peu cinéma.
Robert Bresson évoquait à
propos du septième art « La force éjaculatrice de l’œil »1.
C’est peut-être pour cela qu’un réseau de salles parisien2 a cru bon
de remettre au goût du jour une manière de préliminaires, prenant la forme d’un
court-métrage avant la projection d’un long. Depuis mars dernier et pendant un
an, un film parmi une vingtaine de courts sélectionnés, sera donc diffusé en début
de séance3. Doit-on s’en réjouir ? Comme les premières parties
dans les concerts, c’est un moment souvent cruel. Ce week-end, j’en ai fait l’amère
expérience. Parfois de même durée qu’une bande annonce ou qu’une publicité, l’embarras
est heureusement rapide, et l’éjaculation précoce. Empêcher de voir ou obliger à
voir… ? Le court métrage est une épine dans l'œil du spectateur. Permettre
la diffusion de ces formats, dont on dit qu’ils révèlent les talents, est
difficilement opposable, et pourtant mince, c’est comme devoir forcément manger
avant de commander son plat, ou nécessairement lire avant de commencer son
roman. Nous voilà assis entre deux fauteuils, comme un grain de pop corn coincé
dans un strapontin.
Enfin, tout ceci n’a pas
grande importance, si l’on se réfère aux travaux de l’universitaire Claude Forest4. Il a écumé 108 séances entre avril et août 2010 dans 3 cinémas
différents, étudiant la manière dont les spectateurs munis de billet prennent place
dans une salle, et en a tiré le constat suivant et confondant : les gens
ne vont pas au cinéma pour regarder un film, mais pour cette part de rassemblement
grégaire et de rituel social que le grand écran induit. Dans la somme des
arbitrages qui mènent à la décision « aller au cinéma », le film n’est
pas la priorité. Voilà qui réconciliera tout le monde.
Ne nous reste plus alors qu’un
seul regret : aucun film de Robert Bresson n’est cité dans le top 5 des candidats à la présidentielle 2012 (un peu de nostalgie nous fait revenir à la campagne). Jacques Cheminade a les goûts les plus excitants, citant
L’invasion des profanateurs de sépultures
de Don Siegel et La grotte des rêves
perdus de Werner Herzog. Quand notre Président cite en tête Sous le sable de François Ozon.
1 Notes
sur le cinématographe,
p.24, éd. Folio
2 le premier MK2 hors Paris sera situé à
Marseille d’ici 2013 (nous voilà à remplir une mission d’information !)
3 Vous pouvez savoir à quoi vous attendre ici
4 cf entretien dans Libération Next Mai
2012, p.99-100
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