lundi 21 mai 2012


Cannes oblige, parlons un peu cinéma.
Robert Bresson évoquait à propos du septième art « La force éjaculatrice de l’œil »1. C’est peut-être pour cela qu’un réseau de salles parisien2 a cru bon de remettre au goût du jour une manière de préliminaires, prenant la forme d’un court-métrage avant la projection d’un long. Depuis mars dernier et pendant un an, un film parmi une vingtaine de courts sélectionnés, sera donc diffusé en début de séance3. Doit-on s’en réjouir ? Comme les premières parties dans les concerts, c’est un moment souvent cruel. Ce week-end, j’en ai fait l’amère expérience. Parfois de même durée qu’une bande annonce ou qu’une publicité, l’embarras est heureusement rapide, et l’éjaculation précoce. Empêcher de voir ou obliger à voir… ? Le court métrage est une épine dans l'œil du spectateur. Permettre la diffusion de ces formats, dont on dit qu’ils révèlent les talents, est difficilement opposable, et pourtant mince, c’est comme devoir forcément manger avant de commander son plat, ou nécessairement lire avant de commencer son roman. Nous voilà assis entre deux fauteuils, comme un grain de pop corn coincé dans un strapontin.
Enfin, tout ceci n’a pas grande importance, si l’on se réfère aux travaux de l’universitaire Claude Forest4. Il a écumé 108 séances entre avril et août 2010 dans 3 cinémas différents, étudiant la manière dont les spectateurs munis de billet prennent place dans une salle, et en a tiré le constat suivant et confondant : les gens ne vont pas au cinéma pour regarder un film, mais pour cette part de rassemblement grégaire et de rituel social que le grand écran induit. Dans la somme des arbitrages qui mènent à la décision « aller au cinéma », le film n’est pas la priorité. Voilà qui réconciliera tout le monde.
Ne nous reste plus alors qu’un seul regret : aucun film de Robert Bresson n’est cité dans le top 5 des candidats à la présidentielle 2012 (un peu de nostalgie nous fait revenir à la campagne). Jacques Cheminade a les goûts les plus excitants, citant L’invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel et La grotte des rêves perdus de Werner Herzog. Quand notre Président cite en tête Sous le sable de François Ozon.

1 Notes sur le cinématographe, p.24, éd. Folio
2 le premier MK2 hors Paris sera situé à Marseille d’ici 2013 (nous voilà à remplir une mission d’information !)
3 Vous pouvez savoir à quoi vous attendre ici
4 cf entretien dans Libération Next Mai 2012, p.99-100

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